L'Ingénierie irlandaise et vous
L’ingénierie irlandaise ne cessera jamais d‘étonner. En fait, par ingénierie, je sous-entends toute entreprise nécessitant une prise de décision préalable à un passage à l’action — la planification en quelque sorte, même si les plus érudits choisiraient sans doute un terme plus approprié et autrement plus ronflant.
Vous le savez sans doute, je viens d’emménager dans le lointain County Wicklow, au pied des collines et au bord de la mer. Sympathique petit village, autrefois vivant de la pêche, Greystones explose aujourd’hui face à l’arrivée des nouveaux venus régurgités tout droit de Dublin (qu’on se rassure, Co. Wicklow est le second comté le plus cher en ce qui concerne l’immobilier, juste derrière Dublin). Ça se construit de partout : ici, une route, là une tripotée de nouvelles maisons, etc. Il a donc fallu prolonger l’autoroute, et surtout faire une bretelle pour que les braves âmes échouées à Greystones puissent en fuir rapidement. C’est là qu’encore une fois, l’ingénierie irlandaise a fait preuve d’une remarquable réflexion, une de celles dont elle seule a le secret.
D’aucuns se seraient dits que les gens, en majorité, souhaitairaient se rendre en la capitale et auraient donc imaginé construire une bretelle pour pouvoir accéder à la voie en direction de Dublin ; en l’occurrence, l’exercice aurait consisté ici à construire un pont. Mais que nenni ! Le génie ingénieux de la tête pensante derrière cet ambitieux projet a plutôt préféré construire une bretelle vers le sud, laissant le soin aux récalcitrants qui s’entêteraient à vouloir se rendre à Dublin de conduire 7 miles vers le sud, de sortir de l’autoroute pour enfin reprendre la route dans l’autre sens, youkaidi, youkaida.
Comme l’histoire du tunnel qu’ils sont en train de construire sous Dublin pour vider les principales artères de la ville des poids lourds ; il paraît qu’il est trop petit pour les plus gros camions — qui devront donc de toute façon traverser la ville. Ou encore l’histoire de la rénovation de la gare de Lansdowne Road, condamnant l’entrée Sud et donc forçant les gens arrivant par le sud à attendre que leur train passe devant eux pour gagner l’accès nord et prendre… le train suivant. etc., etc.
Au bout d’un moment, vous vous sentez tout de même gagné par une certaine lassitude, quand quotidiennement vous devez vous coltiner les conséquences immédiates de la bêtise humaine, comme le fait qu’il n’y ait qu’une seule voie de train entre Bray et Greystones. Submergé par l’incompréhension, je ne peux que hocher la tête mollement et passer mon chemin.
Et les Irlandais continuent de se demander pourquoi leur Gouvernement refuse l’idée d’une centrale nucléaire. Quand on sait que le tunnel sous Dublin a un an de retard à cause de voies d’eau, on se demande bien pourquoi, effectivement…